Une photo aérienne prise vers 1960 et utilisée pour des cartes postale de l'ile. — Photo : Courtoisie Georges Pharan
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mardi, 13 décembre 2016 16:00
Île-aux-Chênes : La préservation d’un nom, d’une identité et de souvenirs
Écrit par Priscilla Pilon
Lavigne — L’Île-aux-Chênes, situé sur le lac Nipissing à 4 km de Lavigne, a retrouvé officiellement son nom francophone la semaine dernière. En novembre 2015, Georges Pharand, actuel propriétaire de l’ile, a déposé une demande à la Commission de Toponymie de l’Ontario (CTO) afin de changer le nom de l’ile qui portait étrangement d’autres noms anglophones, dont West Hardwood Island, Sheep Island et Oak Island.
L’Île-aux-Chênes est un endroit où ont eu lieu des camps de vacances inoubliables, selon ses participants, entre 1950 et le début des années 1980. «J’ai connu des gens qui sont encore des amis, qui venaient du Sud de l’Ontario pour venir à un camp d’été en français. Des gens de Toronto, de Windsor et de Penetanguishene. L’Île-aux-Chênes était LE camp d’été à cette époque-là», se remémore un ancien campeur, Pierre Riopel.
Les camps d’été étaient une initiative du Centre des Jeunes de Sudbury (aujourd’hui le Carrefour francophone), qui était propriétaire de l’ile à l’époque. Elle a été vendue dans les années 1980 et resta plus ou moins abandonnée jusqu’à ce que M. Pharand en prenne possession en 2004. À ce moment-là, la plupart des bâtiments s’étaient écroulés. Il a construit une maison où il habite pendant la plus grande partie de l’été.
Un an pour un nom jamais oublié
Gérée par le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario, la CTO a des critères très précis à l’égard de ce type de changements. «Une de ces circonstances est l’usage d’un nom courant, si on peut démontrer qu’un certain nom est utilisé par la communauté et pour plusieurs années. C’était justement le cas pour l’Île-aux-Chênes, connue uniquement sous ce nom par la communauté francophone, plutôt que par son nom officiel qui, jusqu’à la fin octobre, était West Hardwood Island», explique M. Pharand.
Un processus de consultation a été lancé et c’est près d’un an plus tard que les changements se sont concrétisés. «Le processus a été beaucoup plus long que je pensais, mais l’appui que l’on a reçu de la communauté a été excellent. L’appui de Marc Serré et Madeleine Meilleur, par exemple, a été très apprécié, mais l’opinion des gens qui se souvenaient de l’ile était aussi importante», dit-il.
Le propriétaire, qui a lui-même participé et travaillé aux camps d’été, a instigué la demande de changement au nom de la communauté.
Bons souvenirs de campeurs
M. Pharand a fréquenté l’ile comme campeur à partir de 1970 et a été moniteur jusqu’en 1979. À cette époque, le père Albert Regimbal, un jésuite, dirigeait ces camps en plein air et sœur Monique Cousineau lui était d’une grande aide.
Pour 60 $ (comparé à 1970, ceci représente 380 $ aujourd’hui), les enfants passaient 10 jours à faire du théâtre, de l’improvisation, des arts plastiques, de la danse, de la musique, de la natation, des sports, des feux de camp, des piqueniques et des excursions en forêt.
«C’était un lieu magique parce qu’on avait plein d’ateliers et des activités. On allait à la messe et je me souviens de certains de ses sermons. Le fait que c’était sur une ile, ça aussi pour un enfant de 9-10 ans c’était comme magique. On envoyait des cartes postales à nos parents, mais on arrivait à la maison avant elles», se rappelle Pierre Riopel.
Une animatrice du camp, Nicole Beauchamp, garde également de bons souvenirs de son passage au camp d’été. «C’était extraordinaire, ça a changé ma vie, ç’a été tellement formateur. C’était mon premier vrai emploi. Je vivais avec les campeurs et j’apprenais la vie avec les autres animatrices».
Elle avait une douzaine de jeunes à sa charge et ils pouvaient être jusqu’à 20 animateurs. Certains d’entre eux s’occupaient des enfants tandis que les autres avaient plutôt un rôle de professeur ou de formateur dans les différents types d’ateliers.
«On s’occupait des enfants du matin au soir. La cabine des animatrices était au milieu avec des fenêtres de chaque coté et on pouvoir voir dans les dortoirs des enfants», illustre Mme Beauchamp. M. Riopel a d’ailleurs été un de ses campeurs.
Un autre aspect de la bataille identitaire
Ce n’est pas la première fois qu’un nom d’endroit soit officiellement représenté d’une autre façon. Le passage d’unilingues anglophones vient souvent supplanter les noms francophones.
«Ce n’est pas la première fois que l’on ne met pas l’accent au bon endroit... ou carrément changer de nom, par exemple Orléans (Orleans), Noëlville (Noelville)», relève M. Riopel. «Si l’on ne fait pas les démarches pour corriger les erreurs, les noms vont changer. Il ne faut pas oublier. La toponymie c’est aussi le pays qu’on occupe. Pour moi, c’est excessivement important», confie-t-il.
C’est d’ailleurs la raison même de l’intervention de M. Pharand : «J’ai entrepris ces démarches pour que son vrai nom soit reconnu officiellement et pour célébrer l’importance de l’ile pour le patrimoine franco-ontarien», justifie-t-il.
Le Voyageur a consacré une page au camp d’été de l’Île-aux-Chênes en aout 1970. Quelques photos qui démontrent la vie à ce camp d'été — Photos : Archives